Le Snake-bike
Constats
Pour la conception du Snake bike, nous sommes partis de plusieurs constats issus de multiples études. La prise de distance avec l'automobile est extrêmement difficile pour les usagers, bien que les augmentations de prix de l'ensemble des énergies commencent à leur faire réaliser l'importance de réduire leur dépendance à celles-ci. De manière générale, 56% des déplacements hors urbain sont pour le travail ou les études, 19% pour les loisirs, 10% pour les achats, 8% pour accompagner quelqu'un. Ce qui veut dire qu'en plus du travail, les loisirs et les achats peuvent être des leviers importants pour l'équipement du véhicule d'un foyer.
Du plus, dans les villes moyennes, entre 30 et 59% des ménages sont multi-motorisés, alors qu'ils ne sont constitués que de 2,2 personnes en moyenne. Nous parlons ici de villes moyennes car aujourd'hui les grandes zones urbaines à forte densité ne semblent plus une cible pertinente pour les nouvelles mobilités. Les vélos, VAE et trottinettes électriques, couplés aux nombreux modes de transports en commun saturent déjà les villes importantes. Il semble alors plus pertinent de se focaliser sur les villes moyennes et les campagnes. En effet, dans ces espaces la vitesse moyenne des déplacements varie entre 24 et 28 km/h.
Bien que près de 50% de la population mobile n'utilise que la voiture pour se déplacer malgré la diversité d'offres de modes de transports actuels, certaines études considèrent que pour limiter le recours à l'automobile, l'enjeu est de développer la multimodalité.
De ces premiers éléments, on peut conclure que, dans la majorité écrasante des cas, les usagers n'ont pas besoin de véhicule à grande vitesse. Ils ont surtout besoin d'un véhicule qui offre les autres avantages de l'auto : sensation de sécurité, protection contre les intempéries, facilité à transporter la famille, notamment pour conduire les enfants.
Maintenant, concentrons-nous un peu sur nos seniors. Sachant que l'Insee prévoit qu'en 2060, une personne sur quatre ait plus de 65 ans, il est capital d'avoir ce public en tête lors de notre conception du véhicule de demain. L'automobile, pour les plus âgés qui se déplacent majoritairement par elle plutôt qu'à pieds, représente la liberté et, surtout, l'autonomie. C'est elle qui permet de maintenir le lien social avec la famille et les amis, de plus en plus éloignés du domicile.
On peut enfin ajouter à ces éléments le fait qu'une demi-heure d'exercice par jour augmente l'espérance de vie en bonne santé ; fait à mettre en opposition à celui que de nombreux accidents de la route sont liés aux plus de 75 ans. Pour accompagner ce public, d'après Catherine Espinasse, sociologue, "à la campagne, il faut développer de petits systèmes souples, la demande en minibus est massive. Il faut être innovant, imaginer du covoiturage, pourquoi pas des systèmes d'échange [...]."
Conception - idée directrice
Suite à l'ensemble de ces constats, il est plus facile de tracer les contours d'un véhicule susceptible de répondre à la majorité des utilisateurs d'automobile, d'aujourd'hui et de demain. Premièrement, les problématiques énergétiques nous ont dirigées vers un véhicule entièrement musculaire, à l'instar du vélo classique. Il sera ainsi plus léger. Ce choix est aussi induit par l'aspect transgénérationnel que doit proposer le véhicule : si celui-ci est trop lourd, il sera trop difficile à manier. Or, la vitesse atteinte grâce à une éventuelle assistance électrique ôte au conducteur l'entière maîtrise de son véhicule, lui apportant une énergie et une inertie qui ne lui sont pas naturelles, ce qui peut être cause d'un sentiment d'insécurité voir d'un risque réel d'accident.
Il possède tout de même une petite batterie électrique, mais celle-ci servira uniquement à alimenter les équipements lumineux (feux, clignotants), une petite enceinte, un compteur ainsi qu'une éventuelle charge de téléphone.
Deuxièmement, l'importance centrale du besoin de sécurité est à prendre très au sérieux dans la conception. Ce sentiment se traduit de plusieurs manières : il faut être suffisamment haut pour être visible, particulièrement des conducteurs de SUV de plus en plus massifs ; il faut avoir une grande visibilité ; il faut être stable dans le véhicule (ce qui peut être difficile, passé un certain âge, sur un deux roues). C'est pourquoi le Snake bike est assez haut : environ 1m70. Il est constitué de trois roues qui apportent à l'usager confort et tranquillité. Son assise est à hauteur, ce qui implique qu'il est très simple de s'y asseoir et de s'en relever. Il n'y a pas besoin d'être sportif ou spécialement costaud pour s'y installer ou en sortir.
Troisièmement, bien que les études précédemment citées n'en fassent pas mention, le prix reste et restera un élément central dans l'achat d'un véhicule qui sera, dans un premier temps, hors norme et surtout transitoire. Qui plus est, un outil convivial se doit d'être accessible au plus grand nombre, et cela passe aussi par son coût. Nous nous sommes donc fixés comme objectif de mettre au point un véhicule coûtant moins de 1 500 euros.
Ce choix est en cohérence avec la conscience de l'existence des différents parcs : automobile et vélo. Nous souhaitons ainsi fabriquer le Snake bike majoritairement à partir d'anciens vélos et éventuellement de pièces automobile.
Enfin quatrièmement, nous travaillons sur un véhicule modulaire. Cela signifie qu'un Snake bike est à la fois un véhicule personnel auto suffisant, mais aussi une partie d'un véhicule plus grand. Dans les faits, cela se traduit par une interopérabilité entre plusieurs Snake bikes et aussi d'autres véhicules. Par exemple, et toujours dans un souci de reconnexion entre usagers et entre générations, il sera possible de chaîner un snake bike avec un autre, un troisième et ainsi de suite. Ce qui crée, in fine, une sorte de serpent, inspirant le nom du véhicule, où chacun est moteur, à son niveau et selon ses capacités, dans le déplacement de l'ensemble.
Multi modalité
L'idée de cette interconnexion entre Snake bikes est qu'il sera possible de changer de mode de transport sans quitter son véhicule. Entrons dans les détails. Le Snake bike se présente sous deux formes : une version solo et une version duo, où les deux pédaleurs sont côte à côte. À l'avant de chaque snake bike, un système de fixation permet de se fixer à n'importe quel autre snake bike. Ainsi, il est possible de coupler un snake bike simple, suivi d'un duo, par exemple, ou bien deux duo ou deux simples. En chaînant deux Snakes duo, on obtient un équivalent à l'automobile : deux personnes devant et deux derrière, entièrement propulsées à la force des jambes, où chacun peut pédaler, même les enfants.
Aussi, un parent peut accompagner son enfant à l'école grâce au chaînage de deux Snakes simples. Il pourra alors désolidariser les deux Snakes et laisser à l'école celui de l'enfant, correctement garé et accroché. Cela permet au parent de ne pas avoir à transporter un véhicule à moitié vide. De même, un étudiant pourrait accompagner une personne âgée jusqu'à une zone d'activité via deux Snakes simples chaînés. Puis, en désolidarisant les deux, l'étudiant pourrait aller faire ce qu'il souhaite tout en laissant à la personne accompagnée la possibilité de se mouvoir en solitaire, voir de rentrer seule ou avec quelqu'un d'autre. En réalité, les possibilités et les cas d'usages sont infinis.
Nous pouvons même aller plus loin et imaginer des minibus, qui contiendraient quelques places assises, avec à l'arrière la possibilité de fixer des Snake bikes. Ainsi, pour de grandes distances, il serait possible de s'amarrer à un minibus qui nous emmènerait, à une vitesse de 35 à 50 km/h, proche de notre destination. Nous n'aurions alors plus qu'à reprendre la route à la force de nos mollets. C'est, d'une certaine manière, de la multi-modalité sans quitter son véhicule. Cela a un triple effet : réduire la dépendance aux voiture, réduire la densité de véhicules en en liant certains (ce qui réduit notamment les risques de bouchons), et diminuer également la dimension des transports en commun, ce qui réduira en bonus leur consommation à vide.
Enfin, pour assurer la connexion entre les utilisateurs qui pédalent ensemble, un câble accessible à l'avant et à l'arrière du véhicule permet de brancher les Snake bikes qui se suivent. De cette façon, il est possible de communiquer, discuter et partager sa musique avec ses compagnons de route. C'est une notion centrale dans notre concept étant donné que, via ce véhicule, nous voulons retrouver du lien dans nos mobilités.
En plus de ce lien, il est même possible qu'une fois à l'arrêt, le Snake continue de participer à la dynamique collective. Nous avons en effet inclus dans sa conception certains détails qui permettent de le basculer à la verticale. Cela a un premier avantage colossale qui est de réduire son emprise au sol lorsqu'il n'est pas utilisé, un peu comme si l'on rangeait les voitures à la verticale, imaginez un peu. Mais en plus de ça, une fois le déplacement fini et en basculant son Snake, celui-ci peut alors servir d'assise à son occupant, transformant n'importe quel lieu en zone de partage.
Détails techniques
Asymétrie et dimension des roues
Le Snake bike présente plusieurs asymétries dans sa forme. La première est au niveau des roues arrières. En effet, la roue arrière gauche est en 26 pouces là où celle de droite ainsi que celle de direction sont en 18 pouces. La plus grande sert de roue de propulsion, c'est sur elle qu'est envoyé la puissance de pédalage. Cela permet d'utiliser les avantages qu'une telle dimension procure en terme d'efficacité énergétique.
La seconde asymétrie est au niveau de la roue avant, reliée par l'axe de droite à la partie arrière du véhicule. Cela permet aux Snakes chaînés d'avoir un angle de rotation très important (environ 120°) dans les deux directions.
Fixation de chaînage
Pour chaîner plusieurs Snake bikes les uns à la suite des autres, nous avons choisi d'utiliser un mode déjà existant, afin qu'il soit rétrocompatible avec les vélos classiques. Ainsi, nous utilisons simplement une barre tandem pour lier les véhicules. Cela permet de se fixer et séparer rapidement tout en reposant sur un système éprouvé par le temps. Encore une fois, c'est un choix qui s'aligne avec notre volonté de nous appuyer sur le parc vélo existant.
Freinage en commun
Lorsque l'on roule à plusieurs, outre la communication qui nous permet, comme sur un tandem, de synchroniser notre effort physique, le freinage est un sujet capital. En effet, il n'est pas question que le freinage d'une chaîne de quatre Snakes ne repose que sur les tambours de celui qui dirige. Ainsi, en plus du chaînage mécanique qui relie les véhicule entre eux, le chaînage numérique permet de synchroniser ce composant sensible.
Comme dit plus tôt, un câble USB relie chaque Snake avec son prédécesseur et avec son suivant. Ce câble permet d'une part de communiquer, mais aussi aux microcontrôleurs de partager certaines informations :
- Si quelqu'un freine alors toute la chaîne freine via un frein contrôlé par les microcontrôleurs respectifs.
- Lors d'un freinage, l'ensemble des feux stop s'illuminent. Cela permet d'informer les autres usagers de la route, mais aussi les pilotes de l'escadron pour qu'ils évitent de pédaler pour rien.
- De même, tous les clignotants sont synchronisés.
Communication
Comme énoncé plus haut, la communication entre les modules d'une chaîne est très importante. C'est d'ailleurs là l'un des intérêts principaux du Snake bike. Lorsque l'on se connecte, le micro et l'enceinte de chaque habitacle est alors connecté à l'ensemble des autres. Cela permet de simplement discuter pendant le voyage, mais aussi de s'informer sur ce qui se passe sur la route que tous ne pourraient pas voir. Des messages comme ceux-ci :
- "Voilà un dos d'âne, je vous propose de ralentir." Pour faire cesser les pédalages.
- "Si ça vous dit, on peut prendre la prochaine à droite pour passer devant un magnifique arbre remarquable."
- "J'aurais besoin qu'on s'arrête trèèèès rapidement s'il vous plait..."
- "Y'a un 4x4 qui arrive super vite derrière nous, on peut se serrer à droite ?"
Constituants du Snake bike
Le Snake bike est constitué des éléments suivants :
- un vélo 26 pouces ;
- un vélo 18 pouces type BMX.
- Ces deux vélo seront réutilisés ainsi :
- leurs roues, sauf la roue avant de 26 pouces ;
- leurs cadres et fourches pour les roues et la direction ;
- l'ensemble des systèmes de propulsion ;
- certains câbles, s'ils sont encore en très bon état ;
- un cadre sur mesure pour relier l'ensemble des constituants ;
- un siège en osier ;
- une coque en osier et en polyester transparent ;
À cette structure s'ajoutera les composants électroniques suivants :
- une petite batterie 12 volts ;
- des lampes LED pour les clignotants et les feux ;
- un "cerveau" fait à partir d'un module Arduino. Il contrôlera notamment la partie audio et le freinage numérique.
- une petite enceinte ;
- un micro ;
- un câble USB qui court de l'avant du véhicule au cerveau ;
- un câble USB qui court du cerveau à l'arrière du véhicule ;
Fournisseurs
Comme précisé précédemment, la majorité des pièces sont issues du marché de l'occasion.
- Pour les pièces vélos, il serait alors judicieux de se mettre en lien avec les associations locales de récupération et de réparation de cycles.
- Pour le rotin et l'osier, nous nous approvisionnons aux Pays bas.
- Pour les composants électroniques, il faudra certainement se diriger vers du matériel neuf. Mais cela reste une partie raisonnablement petite du véhicule.
Sources
CEREMA : "La mobilité dans les villes moyennes"
CEREMA : "Les seniors : un enjeu pour les politiques de déplacements"
Certu : "La mobilité urbaine en France"
Vehicle File: Fichier Véhicule (AAP Proto) : Fichier associé au guide de montage : Lien vers un espace de stockage des fichiers 3D : Partenaire impliqué (industriel, fablab, labo...) :