Dossier Narratif
Contexte
Le projet de l'extrême défi ADEME se propose d'inventer de nouveaux véhicules efficients, réparables, reconditionnables, légers et économes, accompagnés de nouvelles industries, avec pour objectif de remplacer l'usage de la voiture dans les déplacements du quotidien. Cette approche s'axe entièrement sur la notion même de véhicule pour répondre, évidemment, aux multiples problématiques dont l'automobile est à l'origine. La plus notoire est son impact sur la pollution de l'air et, notamment, sur les émissions de gaz à effet de serre participant activement et en grande proportion au réchauffement climatique. La voiture est également une incomparable source de nuisances sonores et les habitants de logements à proximité d'une autoroute, d'une départementale ou simplement d'une voie fortement fréquentée ne peuvent se défaire de ce bruit continu. Aussi, cette boîte de métal qui pèse entre une et trois tonnes est, depuis son industrialisation et sa généralisation, un engin de mort des plus meurtriers. Ce sont en effet environ 3.000 personnes qui décèdent chaque année, uniquement en France. Ces victimes ne sont pas forcément les usager de l'automobile, mais d'autres utilisateurs de la route (cyclistes, deux-roues motorisés) ainsi que les piétons. Qui plus est, ces chiffres ne prennent même pas en compte l'ensemble des insectes et autres animaux victimes de la voiture, que ce soit directement (choc, écrasement) ou indirectement (pollutions, implantation des usines).
Mais au-delà de l'ensemble de ces défauts, l'automobile en porte en elle un bien plus grand et impactant, à savoir son empreinte sur l'ensemble de la société. C'est bien elle qui a déterminé la structuration des villes et des campagnes, le dimensionnement des voies, des garages, des parking et des maisons elles-mêmes. C'est aussi elle qui a créé et augmenté la distanciation des villes, de leurs banlieues, des amis et des familles. C'est bien la voiture qui, feignant d'accélérer la vitesse des humains pour réduire la distance qui les sépare, ne leur fait finalement que s'éloigner les uns les autres et les coincer dans les embouteillages.
Ainsi, se focaliser sur le véhicule nouveau tout en le référant à la voiture comme exemple nous semble être une limite bloquante quant à la conception, non pas d'une voiture moins polluante et plus efficace, mais d'une société enrichie de liens, d'autonomie, de proximité, de diversité et d'échanges. Finalement, ce que nous cherchons réellement, ce dont nous avons besoin pour éviter les catastrophes, c'est d'une mobilité ralentie qui nous amène à nous rapprocher. Pour cela, il nous faut accepter que les énergies fossiles vont être un luxe de plus en plus rare et de plus en plus cher. Selon nous, il ne faut pas non plus parier sur l'électricité fournie par les énergies renouvelable, car les évènements prouvent qu'aucune énergie n'en remplace une autre sans conséquence, et surtout qu'il n'y a pas et n'y aura jamais d'énergie à la fois illimitée et neutre.
Programme de fond
Suivant ce raisonnement, nous avons accès notre réflexion non pas sur le véhicule, bien qu'il en soit une composante importante, mais sur l'énergie dite "humaine". Ce dont nous avons besoin, c'est de transformer la société en transformant notre manière de nous déplacer et, plus globalement, notre rapport aux distances et à la vitesse. Finalement, ce que nous visons en quelques mots, c'est d'amener la société vers la fin du pétrole.
Concrètement, cette énergie est présente partout : sur les routes, notamment par la voiture et la moto, mais aussi dans les champs (tracteurs et autres gros appareils), dans les jardins (tondeuses, motoculteur) et partout dans la maison (sachant que l'électricité mondiale est encore à 61% produite grâce au charbon, au gaz et au pétrole). La majorité écrasante de ces outils humains ont comme point commun d'utiliser une source d'énergie (électricité ou pétrole directement) pour générer un mouvement de rotation. Or, nous savons depuis longtemps et extrêmement facilement produire ce type de mouvement, notamment via le vélo. Ainsi, notre moteur fondamental pourrait être incarné par l'outil bien connu du pédalier.
La mobilité
Le pédalier, considéré pour le moment comme une simple composante du vélo, pourrait devenir un élément central de nos sociétés énergétiques, un moteur à part entière, polyvalent, adapté et adaptable à de nombreux besoins. Le premier réflexe est donc, naturellement, de construire (encore) un véhicule autour de ce fameux pédalier. C'est celui-ci qui s'inscrit ici dans le cadre du défi.
Le Snake bike est une proposition de véhicule s'articulant autour de ce pédalier. L'objectif de cette notion d'unité modulaire est de donner une brique de départ, accompagnée d'un cahier des charges de dimensionnement précis, pour permettre à chacun de créer un objet, véhicule ou non, compatible.
Suite aux différents événements malheureux qui s'enchaînent depuis quelques années, force est de constater que nous dépendons tous des intrants énergétiques qui nous viennent de l'extérieur : gaz, pétrole, électricité, eau, nourriture. Nous ne produisons presque plus rien par nous même. Ainsi, le pédalier comme cœur du véhicule et de bien d'autres choses est une manière aussi de dire "vous aussi, devenez moteur", action qui devrait ouvrir naturellement à plus de réflexion sur la production personnelle : l'action entraîne l'action.
Dans le cadre de la mobilité, ou plutôt des mobilités, faire du pédalier l'unité la plus petite du véhicule ouvre une nouvelle voie de collaboration dans le déplacement. Il est en effet possible, comme dans le cas du snake bike duo, de mettre au point des véhicules acceptant plusieurs pédaliers. Mais il est aussi largement envisageable de coupler un plus grand nombre de pédaliers dans un véhicule plus gros pour tracter à plusieurs une charge lourde, si ce n'est très lourde. Ainsi, à la manière des chevaux qui tiraient la charrette, nous pourrions à deux, quatre ou six, tracter une remorque de déménagement sur de longues distances, tout en faisant du sport de manière collective.
Aller plus loin
Avec cette logique, pourquoi ne pas supprimer le pétrole de nos champs et créer une tondeuse, une charrue ou même une moissonneuse batteuse sur laquelle il faudrait simplement "brancher" deux, cinq ou carrément vingt pédaliers sur lesquels s'activeraient les volontaires et/ou les sportifs.
Cette approche s'intègre dans une volonté d'amener vers une économie de partage et de collaboration. Une bonne manière de s'y projeter est de constater d'abord le contraste entre les moissons de jadis, au court desquelles une grande partie du village mettait la main à la pâte, et celles d'aujourd'hui, où un agriculteur va, seul dans sa moissonneuse batteuse, moissonner plusieurs hectares de champs. Dans notre vision, qui fait le lien entre ces deux situations, faisons fi du pétrole ainsi que de la très coûteuse machine, pour fabriquer une machine plus légère et plus simple sur laquelle une dizaine de pédaliers pourraient s'accrocher. Le champs pourrait alors se transformer en salle de sport de plein air saisonnière. Et chacun, venant à bord de son véhicule personnel, contenant à fortiori son pédalier réglé à sa propre carrure, n'aurait qu'à déplacer celui-ci pour pouvoir s'installer sur la moissonneuse légère.
Si, dans son garage, il était possible qu'une personne installe son pédalier pour alimenter une scie circulaire sur table, une meule ou une perceuse sur tour, des outils fixes qui nécessitent simplement une énergie de rotation, des ateliers partagés prendraient alors tout leur sens et réduiraient grandement le prix des appareils dont on sait que la batterie et le système électrique jouent pour beaucoup. Qui plus est, et encore une fois dans un souci d'indépendance technologique, il est bien plus facile de construire des machines mécaniques tournant à la force d'une chaîne que de fabriquer des systèmes électroniques. C'est ici une question d'équipement technique mais aussi de connaissances de pointe complexes à acquérir.
En entrant encore plus dans la maison, il est aussi tentant d'alimenter le mixeur, le robot pâtissier ou l'extracteur de jus de la cuisine. Bien sûr, cela ne correspondra pas à tout le monde et certains publics ne seront pas aptes à passer leur journées à pédaler pour faire fonctionner le moindre appareil. Mais c'est avant tout une démarche qui fait réaliser à chacun à quelle point l'énergie est partout. Alors, il est possible d'organiser sa cuisine autour du pédalier qui permettra, selon son réglage, d'alimenter tantôt un robot, tantôt une cafetière, tantôt une centrifugeuse.
Aussi, la buanderie se prête particulièrement à l'exercice, dans tous les sens du terme. Le lave-linge et le sèche-linge sont tous deux entièrement accès sur la rotation et pourraient, avec un pédalier habilement installé, devenir manuels pour peu de frais et peu d'espace. Ce qui, sur le long terme, apportera bien sûr une meilleure santé au pédaleur et des économies substantielles d'électricité et, donc, d'argent.
Il est même possible, si l'électricité est toujours capitale, d'envisager de brancher le pédalier sur une batterie pour recharger cette dernière.
Le Snake bike, dans tout ça
Le Snake bike constitue le premier élément compatible avec le pédalier modulaire. Il vise avant tout à fournir un exemple des possibilités offertes par le pédalier, tout en prenant en compte de nombreuses problématiques des transports actuels. Vous pourrez en savoir plus en lisant la partie véhicule, néanmoins nous pouvons insister sur l'aspect collaboratif que nous souhaitons installer sur l'ensemble du projet.
Collaboratif d'abord dans la conception, l'ensemble du Snake bike, les photos, les plans et tous les outils qui permettraient à quiconque de construire son propre véhicule sont diffusés sous licence open source. L'objectif est que chacun puisse concevoir et expérimenter autour du pédalier et du Snake bike.
Collaboratif aussi par son inclusion de l'ensemble des publics. Le Snake bike permet en effet à tous les âges de s'installer et pédaler à leur rythme : équilibre, position, accès, tout est pensé pour qu'un enfant, un adulte ou une personne âgée puissent se l'approprier. Cet aspect transgénérationnel créé à nouveau du lien entre les plus sportifs dans la fleur de l'âge qui pourront accompagner leurs aînés moins en forme dans leurs déplacements.
Collaboratif enfin dans l'essence du Snake bike qui vise à rendre le déplacement lui-même collaboratif. Aujourd'hui, le vélo et l'écrasante majorité des véhicules à propulsion humaine sont solitaires. Là où la voiture continue de se démarquer par son habitacle commun, le Snake bike vise à retrouver ce cocon partagé non seulement dans l'espace mais aussi dans l'effort, où chacun est partie intégrante du moteur qui nous fait avancer
Aperçu du véhicule
Pour plus de détails et d'images, voir la page dédiée au véhicule Snake bike
Convaincre les automobilistes
C'est de l'exploration du monde du vélomobile que la plupart des enseignements nous viennent ici. Lors d'un évènement d'essai de différents modèles, de nombreuses personnes sont venu tester cette mobilité incroyable et trois constantes sont apparues sur une centaine de participants, tous automobilistes :
- l'attrait pour le vélomobile va croissant en le voyant, puis en l'essayant ;
- puis il chute complètement à l'annonce du prix ;
- enfin, un doute persiste sur la sécurité ressentie, par rapport à leur faible hauteur.
Il n'y a pas de recette miracle, ou alors cela se saurait. Selon nous, pour qu'un véhicule émerge, comme l'ont fait le vélo à assistance électrique, la trottinette électrique, le vélo cargo, il faut déjà qu'il réponde à trois conditions :
- un prix acceptable ;
- combler un besoin réel (faire de longues distances sans transpirer, "marcher plus vite", transporter facilement les enfants) ;
- être disponible et relativement facile à trouver pour essai et achat.
Dans cette catégorie, on peut également placer le VELOCARGO LONGTAIL de décathlon que l'on voit aujourd'hui beaucoup car son prix est très compétitif, il remplit ce besoin d’emmener deux enfants et/ou des courses sans changer de vélo et sans se promener avec une grosse boîte, et enfin il peut être contemplé et essayé dans tous les décathlons de France.
Le défi est donc à la fois de donner au Snake bike une grande visibilité et un accès à l'essai pour le grand public. Pour cela, la meilleure option serait de s'associer avec le réseau d'une grand entreprise qui ait une implantation nationale. Nous pourrions mettre à profit nos liens avec Norauto pour amener à la vue de tous, dans les centres les plus axés sur le vélo, un Snake bike qui puisse être essayé et acheté de suite, voir même payé en plusieurs fois.
Vers une nouvelle mobilité
Comme l'explique Olivier Razemon dans son livre 'Le pouvoir de la pédale', plus les villes et les campagnes seront cyclistes, plus le flux automobile sera apaisé et ralenti, et plus la sécurité des voiries sera grande. Ainsi, avec une généralisation des modes de transport tels que le Snake bike, en réussissant à ne pas ajouter aux voitures mais bien réussir à se passer d'elles en tant qu'objet privatif omniprésent, en réduisant leur existence sur les routes, nous gagnerons en santé, en sécurité mais aussi en confort de voirie.
En effet, l'adoption du Snake bike s'intègre dans l'existant et ne nécessite pas d'aménagements coûteux pour les structures publiques. En réalité, abaisser les limitations de vitesses sur les routes de campagne et l'ensemble des routes qui ne sont pas déjà réservées qu'à l'automobile suffirait à réduire drastiquement les dangers du transport.
Le Snake bike peut alors s'intégrer dans trois topologies de déplacements :
- Le déplacement court (< 25 km) en solitaire, à deux ou à plusieurs.
- Le déplacement mi-long (entre 25 et 100 km) en passant par un minibus tractant sur les longues distances. Une façon de mettre en commun l'accès à l'énergie par la vitesse.
- Enfin le déplacement long ( > 100 km) pour lequel il faudra aménager certains wagons de train pour y intégrer la possibilité d'insérer de nombreux Snake bikes, qui seront alors disponibles au sortir du train pour leur propriétaires.
Ce développement global d'un modèle énergétique sobre pour les mobilités apporterait son lot d'avantages pour l'ensemble des lieux communs :
- des parkings jusqu'à cinq fois plus petits, pour le même nombre de personnes garées ;
- des voies plus simples à entretenir dès lors qu'elles n'ont pas à supporter des masses extravagantes (36 tonnes ou plus) ;
- des rues beaucoup plus sûres pour nos enfants ;
- plus de place pour la végétation dans les villes ;
- possibilité de se passer de routes goudronnées au profit de chemins de cailloux, simple à entretenir et respirants pour laisser filtrer l'eau de pluie.
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