Accompagner le changement volontaire de la mobilité automobile des populations périurbaines :Quelles informations pour un outil de report modal efficace ?Exemple de l’aire urbaine strasbourgeoise

De Communauté de la Fabrique des Mobilités
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Nom thésard-e : MOREL Johan Nom Laboratoire principal : LIVE

Autre(s) personne(s) impliquée(s) : ENAUX Christophe

Résumé : L'information disponible sur l’offre de transport est pléthorique, multi-source et difficile à trouver même pour un individu motivé et volontaire à effectuer un changement modal. De plus, l’information décrit l’offre de transport disponible dans un territoire tout en méconnaissant la demande et les besoins spécifiques des personnes. Ce projet a pour but d'étudier et de déterminer les combinaisons d'informations pertinentes permettant de favoriser le changement volontaire durable de la mobilité automobile compte-tenu de la situation dans laquelle se trouve un individu. Notre hypothèse de travail principale indique que les informations pertinentes relèvent d’un système multidimensionnel complexe associant les aspects personnels, les caractéristiques du ménage et le contexte de l’implantation résidentielle. Afin d’identifier les combinaisons d'informations, le protocole d’étude repose sur un suivi longitudinal de personnes volontaires à un changement de la mobilité automobile et un test de validité de l’information pertinente. Ce suivi comprend trois grandes étapes : 1) Typologies du changement volontaire de la mobilité automobile, 2) Construction d’alternative(s) de déplacement crédibles et identification des informations pertinentes, 3) Test de la pertinence des informations. Les résultats directs relèvent principalement de typologies permettant d'apporter l'information ciblée et pertinente selon le type d'individu et ses caractéristiques sociogéographiques et de règles heuristiques de changement volontaire durable de l'autosolisme fondées sur des segmentations fines de la population périurbaines.

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Description détaillée : Contexte et enjeux scientifiques

La dernière Enquête Nationale Transport et Déplacement de 2008 (CGDD, 2010) indique que les déplacements de la vie quotidiennes des français se font principalement en voiture (64,8%), suivis de la marche (22,2%), des transports collectifs (8,1%), du vélo (2,6%) et des deux-roues motorisés (1,7). Liée entre autre à une politique volontariste d’après-guerre de mise en place d’un système automobile (Dupuy, 1999), cette prédominance de la voiture induit de nombreux problèmes au cœur de multiples enjeux sociétaux et environnementaux comme par exemples : 1) la surconsommation énergétique et l’émission de pollutions avec leurs effets sur le changement climatique et la santé (Nieuwenhuijsen et al., 2016), 2) l’étalement urbain et la consommation d’espace sous-jacente (Antoni et Youssoufi, 2007), 3) les inégalités pour l’accès à la mobilité alors que se mouvoir dans l’espace est devenu une compétence incontournable pour accéder « au travail, au logement, à l’éducation, aux loisirs et à la santé » (Orfeuil, 2011).

Face à ce dilemme confrontant usage massif de l’automobile et enjeux forts qui en découlent, les politiques publiques incitent à une mobilité quotidienne durable en privilégiant deux stratégies complémentaires (Buhler, 2015). La première consiste à modifier l’environnement construit, à l’adapter à des modes de déplacements alternatifs à la voiture tout en rendant plus efficace l’interconnexion des réseaux de transport afin de faciliter les déplacements intermodaux. La seconde stratégie est principalement informationnelle. Elle vise d’une part, à sensibiliser les personnes aux effets néfastes de la voiture thermique et à la nécessité d’un changement des comportements de déplacement, et d’autre part, à fournir des outils d’information (Système d’Information Multimodaux, Site de covoiturage, centrale/maison de mobilité, etc.) susceptibles de faciliter le report modal et de diminuer la pratique de l’autosolisme.

Cependant, ces politiques d’incitation à une mobilité durable se heurtent à deux freins. Le premier frein est que l’action au quotidien des individus, par la récurrence d’utilisation des modes de déplacement, s’ancre dans des habitudes modales dont il est difficile de se défaire. Ainsi, « à chaque fois qu’un même but se présente et que les personnes disposent d’une solution pour atteindre ce but, cette solution est mise en œuvre. Un tel principe d’action permet de réduire au minimum les coûts cognitifs en faisant appel à des lignes de conduites mémorisées. » (Enaux, 2009). L’habitude de l’usage de l’automobile réduit les incertitudes et les craintes de l’organisation de la journée liées à une nouvelle pratique modale. Le second frein est celui de l’information et il recouvre deux aspects. D’une part, l’information disponible est pléthorique et multi-source, ce qui ne facilite pas la recherche de l’information même pour les personnes motivées ayant l’intention de modifier leur pratique modale. D’autre part, l’information disponible ne répond que très partiellement aux besoins des personnes. Elle décrit l’offre de transport disponible dans un territoire tout en méconnaissant la demande des personnes.


Description du travail de thèse

Objectifs scientifiques

Ce projet étudie les informations pertinentes contribuant à l’adoption de pratiques modales plus durables chez les personnes ayant l’intention d’effectuer un report modal ou motivées par la diminution de l’autosolisme. La théorie socio-écologique du comportement de Triandis (1977) indique que les intentions de changement sont largement freinées par les habitudes et des facteurs contextuels favorisant ou restreignant le changement. Le processus d’adoption d’un nouveau comportement par une personne implique donc des temps d’élaboration de pratiques modales alternatives, d’expérimentation de ces pratiques, d’ajustement de ces pratiques et de leur intériorisation cognitive. Ce processus, qui nécessite un très important effort de la part des personnes (Golovtchencko et Zelem, 2003) repose fondamentalement sur la construction d’une solution alternative de déplacement intégrant l’information connue sur l’offre de transport et les contraintes personnelles multiples (temporelles, spatiales, organisationnelles, compétences, craintes et appréhensions, etc.). Concrètement, il s’agit pour l’individu de réinventer tout un fonctionnement quotidien ou hebdomadaire perçu comme satisfaisant pour constituer de nouvelles pratiques modales durables.

L’objectif du projet est de déterminer les combinaisons d’informations pertinentes permettant de favoriser le changement volontaire durable de la mobilité automobile compte-tenu de la situation dans laquelle se trouve un individu. Dans cette perspective, la situation regroupe notamment les souhaits et les contraintes des individus, ce qui permet de dépasser la demande révélée et d’aller vers la demande effective des modes alternatifs envisagés ou envisageables et des motifs de déplacement (travail/étude, achats, loisirs, sociabilité). Notre hypothèse de travail principale indique que les informations pertinentes relèvent d’un système multidimensionnel complexe associant les aspects personnels (organisation de l’espace-temps-activités, compétences modales, appréhensions, habitudes), les caractéristiques du ménage (sociodémographiques, socioéconomiques, revenus) et le contexte de l’implantation résidentielle (type d’espace, mobilité quotidienne des populations, accessibilité de l’offre du système de transport).

Dans ce système multidimensionnel complexe, l’information centrale favorisant l’adoption de nouvelles pratiques modales est celle qui permet de surmonter les contraintes et les appréhensions personnelles de l’utilisation d’un nouveau mode de déplacement. La connaissance de l’offre du système de transport existant intervient donc, mais elle reste subordonnée aux possibilités de construire une nouvelle pratique satisfaisante pour la personne. Si les aspects personnels sont centraux, leur poids varie en fonction de l’éventail de motifs de déplacement concernés par l’intention d’effectuer un report modal ou de diminuer la pratique de l’autosolisme. Plus le spectre des motifs est large, plus la prise en compte satisfaisante des aspects personnels va peser dans l’adoption des nouvelles pratiques modales. Certains motifs de déplacement font intervenir des impératifs de lieu et/ou d’horaire, comme par exemple se rendre au travail, chercher les enfants à la fin des activités périscolaires. Dans ce cas, la crainte d’être en retard devient un facteur fondamental auquel des informations spécifiques, notamment la certitude d’arrivée à l’heure prévue, sont attachées.

L’information pertinente dans la construction d’une solution de pratique modale nouvelle relève ainsi de la demande des individus (souhaits, aspects personnels), de l’offre de transport et des contraintes auxquelles ils sont soumis (caractéristiques du ménage, implantation résidentielle).


Positionnement par rapport à l’état de l’art

Que ce soit en économie, en géographie, en sociologie ou en psychologie, plusieurs travaux attestent de l’importance et de la méconnaissance des usagers des informations mises à leur disposition par les opérateurs de transport ou les services de mobilité dans la perspective d’un report modal. Comme tenu du poids des habitudes modales et du coût, notamment cognitif et temporel de la recherche d’informations, ces résultats ne sont en rien surprenants. Il existe également une littérature abondante sur les freins et les motivations au changement à l’auto-mobilité reprenant en partie des facteurs tels que les habitudes, les localisations spatiales, les espaces-temps d’activités, les attitudes faces aux modes,... De la même manière, divers travaux et principalement psychologiques ont questionné directement le processus de changement de comportement.

Mais à notre connaissance, les travaux croisant finement sous la forme d’une étude intégrée les informations disponibles sur l’offre de transport avec toute une série d’autres informations traduisant la demande en fonction des situations spécifiques des personnes et ceci au cours d’un processus volontaire de changement de comportement, font largement défaut. En outre, cette recherche questionne la pertinence des informations et vise ainsi à produire un degré de pertinence des informations tout en le validant par une approche méthodologique adaptée.


Approche / Méthodologie

Afin d’identifier l’information pertinente dans la construction d’une solution de pratique modale nouvelle et durable, le protocole d’étude proposé repose sur un suivi longitudinal de personnes volontaires à un changement de la mobilité automobile et un test de validité de l’information pertinente. Ce suivi comprend trois grandes étapes. Le protocole s’appuie sur un échantillon spatial de trois territoires périurbains bas-rhinois contrastés du point de vue de leur accessibilité à l’offre de transport : desservi par un axe de transport en commun lourd, à proximité d’un tel axe, éloigné d’un tel axe. Pour ces territoires, l’ensemble des ménages seront informés de la réalisation d’une étude sur le changement volontaire de la mobilité automobile quel que soit le motif de déplacement ou le nouveau mode envisagé.

Étape 1 : Typologies du changement volontaire de la mobilité automobile Les personnes intéressées seront invitées à remplir un questionnaire internet permettant de saisir leur mobilité quotidienne actuelle et le niveau de satisfaction associé, leurs souhaits de changement modal ainsi que les motivations et les freins à ce changement, et les caractéristiques de leur ménage. L’analyse (qualitative et quantitative) de ces réponses permettra de dresser plusieurs typologies du changement volontaire de la mobilité automobile fondée sur la demande de mobilité (besoin, appréhension, etc.) en lien avec les contraintes (caractéristiques du ménage, implantation résidentielle) et les freins et les motivations à la mise en place de nouvelles pratiques modales.

Étape 2 : Construction d’alternative(s) de déplacement crédibles et identification des informations pertinentes Parmi les personnes ayant participé à la première étape, un sous échantillon du changement volontaire de la mobilité automobile de chaque territoire fera l’objet d’une enquête approfondie à domicile afin de déterminer les informations pertinentes pour la construction d’alternatives de déplacement crédibles pour des personnes dans des situations différentes. Ces situations seront définies par l’intermédiaire des caractéristiques du ménage, de l’implantation résidentielle et des alternatives modales. Cette enquête reposera sur un dispositif expérimental enregistré d’aide à la construction d’alternatives modales faisant intervenir les informations liées aux opérateurs de réseaux de transport et de services d’aide à la mobilité. L’analyse des enregistrements (discours, lexicométrie) permettra de déterminer les informations importantes pour les individus et d’apporter des réponses quant à nos hypothèses de travail (importance des aspects personnels, des informations sur l’offre de transport,…). Des typologies fondées sur l’ensemble des informations prises en compte seront proposées en fonction du degré d’importance de ces informations dans l’élaboration d’alternatives modales.

Étape 3 : Test de la pertinence des informations Le test de la pertinence des informations dans l’élaboration d’une alternative modale reposera sur un double dispositif. D’une part, il s’agira chez les personnes ayant participé à l’étape précédente, de proposer une expérimentation de l’alternative modale élaborée. La pratique de l’alternative modale d’une durée d’un mois fera l’objet d’une évaluation par un entretien téléphonique au cours duquel la personne fera état de sa perception de son expérience réelle de la pratique alternative (aspects positifs, négatif, et éventuelle adoption de la nouvelle pratique modale). Dans le cas de l’adoption de la nouvelle pratique modale, les personnes seront recontactées trois mois après afin de vérifier sa durabilité. D’autre part, un autre sous échantillon de personnes ayant participé à l’étape 1 mais pas à l’étape 2 sera confronté à la liste des informations issues de l’analyse de l’étape 2 afin qu’elles puissent élaborer une pratique modale alternative. Un entretien enregistré à domicile et orienté sur la construction de cette alternative modale permettra de déterminer la validité des informations fournies et leur pertinence pour l’élaboration de la nouvelle pratique modale.

Cette proposition de thèse fournira des résultats importants en termes de connaissances scientifiques et de potentiel de valorisation socio-économique concernant les outils d’aide à la prévision et à l’organisation des mobilités des personnes. Outre, une meilleure compréhension du processus de production de pratiques modales alternative à la voiture et à l’autosolisme, elle permettra d’établir le système d’informations pertinent (nature, hiérarchie des informations) qui favorise le passage à l’acte d’une nouvelle pratique modale chez les individus souhaitant effectuer un changement volontaire à leur mobilité automobile. Les résultats directs sont nombreux et relèvent : i) de typologies (motivations et freins au changement modal, informations pertinentes pour lever les freins aux changements modal, etc.) segmentant finement la population étudiée sur des critères solides en fonction de leur situation spécifique (demande de mobilité, contexte géographique et socio-économique du ménage) et ii) de la construction de règles heuristiques de changement volontaire durable de l'autosolisme des populations périurbaines. La valorisation socio-économique des résultats relève de plusieurs perspectives comme par exemples : 1) la possibilité grâce au protocole mis en œuvre, de valider une démarche favorisant le report modal pour un exploitant de réseau de transport ou une autorité organisatrice des transport, 2) l’élaboration d’applications informatiques fournissant les informations pertinentes aux usagers cherchant à changer leur pratique modale en fonction de leur situation particulière, 3) la possibilité pour une collectivité de monter une architecture organisationnelle d’accompagnement du changement volontaire de la mobilité automobile s’appuyant sur un site web général mais avec des applications spécifiques en fonction de la situation des personnes ou une aide personnelle pour des personnes ayant des difficultés avec l’outil informatique.

Thèmes associés : Vélo et Mobilités Actives, Accessibilité dans les transports, Covoiturage quotidien, Urbanisme et ville, Ecomobilité scolaire, Logistique urbaine, Conseillers en mobilité, Stationnement

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